L’acidose garde encore une part d’inconnu
Enquête. Une large étude sur l’acidose ruminale n’a pas permis d’établir un lien avec la santé des vaches. Mais elle pointe un risque assez faible dans les troupeaux avec une ration maïs dominant.
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L’acidose ruminale subaiguë (Arsa) est un trouble métabolique déclenché chez la vache laitière par une chute anormale du pH du rumen. Ce trouble est lié à des pratiques alimentaires conduisant à une production d’acides insuffisamment neutralisés dans le rumen. Il entraîne une modification de la flore ruminale, se traduisant par des baisses du taux butyreux (TB) et de la digestibilité de la ration. L’Arsa est aussi associée à des signes cliniques : boiteries, augmentation du nombre de mammites, abcès, etc. Il faut noter que la liaison entre ces troubles sanitaires et l’acidose subaiguë n’a jamais été clairement démontrée. Il n’existe pas non plus d’outils de diagnostic fiables et peu coûteux de l’Arsa en élevage.
À la recherche d’un outil de diagnostic
En 2014, un projet de recherche AcID(1) a été initié pour justement mettre au point un outil de diagnostic utilisable en routine dans les élevages, à partir du ratio TB/TP et du profil en acides gras du lait. Il est basé sur l’analyse infrarouge du lait (MIR) déjà utilisée pour évaluer les taux. L’objectif était aussi d’apprécier la fréquence de l’Arsa en France dans les systèmes maïs ensilage dominant, d’isoler les pratiques alimentaires à risques et les effets sur la santé et la production des vaches.
L’étude s’est appuyée sur des élevages utilisant plus de 70 % d’ensilage maïs dans le fourrage et sans pâturage. Elle ne s’intéressait pas à l’Arsa liée aux transitions alimentaires observables dans les trente premiers jours de la lactation.
Un troupeau était considéré en Arsa quand 20 % des vaches avaient un ratio TB/TP inférieur à 1,05 et 5 % avec un ratio acides gras pairs/acides gras impairs inférieur à 40.
Avec ces critères exigeants, sur plus de 25 000 troupeaux localisés dans onze départements, seuls 242 ont été retenus pour produire les résultats sur la proportion de vaches et de troupeaux touchés par l’Arsa.
Peu de vaches atteintes et pas longtemps
Premier résultat, assez iconoclaste, peu de vaches dans ces troupeaux recevant deux tiers d’ensilage maïs dans leur fourrage sont touchées par l’Arsa, 1 à 2 %, et seulement 5 % des troupeaux avaient quelques animaux atteints. Les vaches les plus à risques étaient en milieu de lactation et en quatrième lactation, certainement du fait de leur capacité d’ingestion plus grande. Aucune race ne semble plus à risques pour l’acidose que les autres. « Nous pouvons en déduire que les rations à dominante d’ensilage maïs sont maintenant bien maîtrisées. Mais ce résultat ne peut pas être extrapolé à des troupeaux français consommant d’autres types de rations. Rappelons aussi que les situations de transition alimentaire étaient exclues de l’étude », précise Nathalie Bareille, vétérinaire, professeur à Oniris.
Autre élément : la persistance d’un état d’Arsa, sur une vache donnée, d’un mois sur l’autre est faible (14 % des vaches seulement). Ce résultat est cohérent avec des chutes cycliques d’ingestion journalière, pendant deux à quatre jours, chez les vaches atteintes d’Arsa, permettant de diminuer la production d’acides dans le rumen et de lutter contre le trouble métabolique.
Moins de lait mais pas plus de maladies
Les bouses des vaches identifiées en Arsa étaient plus molles et plus riches en fibres et en grains, ce qui confirme l’effet de l’état d’acidose sur la digestibilité de la ration. Cela est cohérent avec l’impact négatif de l’Arsa mis en évidence sur la production laitière (- 0,97 kg de lait/vache/jour). En revanche, aucune différence n’a été observée sur les conséquences sanitaires. La fréquence des fourbures, des concentrations en cellules élevées, des déplacements de caillette, des météorisations ruminales, etc., a été comparable entre les troupeaux en Arsa et les troupeaux témoins. « Ces conséquences sanitaires n’ont jamais été vraiment démontrées. Une apparition tardive des signes après l’exposition à l’Arsa n’a pas été évaluée ici. Enfin, aux dires des éleveurs, les troupeaux en Arsa auraient une mortalité supérieure. »
Déception sur les indicateurs utilisés
La proportion d’aliments concentrés distribuée a été significativement plus élevée dans les troupeaux en Arsa. Cependant, cette différence était faible et la proportion de concentré toujours très inférieure à la limite maximale recommandée. La teneur en fibres des rations était aussi plus faible dans les troupeaux en Arsa mais, là aussi, sans dépasser les normes habituelles. En fait, aucune différence en matière de pratiques alimentaires n’a pu être mise en évidence entre les troupeaux identifiés en Arsa et les témoins.
« Les indicateurs d’Arsa, utilisés dans cette étude (rapport TB/TP et ratio des acides gras pairs et impairs), peuvent, certes, caractériser un dysfonctionnement ruminal, mais ce ne sont pas des indicateurs du pH ruminal moyen sur la journée. Cela peut expliquer l’absence de lien sur la santé remarqué dans l’étude. Par ailleurs, l’estimation des acides gras du lait par la méthode infrarouge manque encore de précisions. Cet outil de prédiction s’est donc révélé insuffisamment fiable pour une utilisation future de repérage des situations d’acidose, situations qui semblent tout de même rares », conclut Nathalie Bareille.
Dominique Grémy, d’après Oniris(1) Casdar AcID : ESA Angers, Oniris- Inra, Idele, France Conseil Elevage et Clas el.
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